RAFP : une retraite pas comme les autres
Créé en 2003 et opérationnel depuis 2005 pour permettre aux fonctionnaires de disposer d’un complément de retraite assis sur leurs primes et rémunérations accessoires, le régime de Retraite additionnelle de la Fonction publique (RAFP) est encore en phase de montée en puissance. Par capitalisation, obligatoire, ce régime original a su trouver sa place dans le paysage des retraites et affiche des résultats financiers satisfaisants. Vincent Lidsky, son président, et Régis Pelissier, son directeur font le point sur l’état de santé et l’avenir du RAFP.
3 juin 2024
Photo : Libre de droits
Le RAFP va bientôt fêter ses 20 ans, en quoi ce régime est-il singulier par rapport aux autres régimes de retraite en France ?
Vincent Lidsky : Le RAFP est un régime jeune qui a été conçu pour prendre en compte une partie des primes dans la retraite des fonctionnaires. La cotisation de 10% (répartie à parts égales entre l’employeur et l’agent) porte sur cette seule partie de la rémunération, dans la limite de 20% du traitement indiciel brut. Son autre originalité est de s’adresser à l’ensemble des fonctions publiques, c’est-à-dire la fonction publique d’État, territoriale et hospitalière. Le régime est ainsi commun aux trois versants. Enfin, son conseil d’administration est constitué à parité par les représentants des employeurs publics - nommés par l’État, les associations d’employeurs territoriaux et la FHF - et les représentants des bénéficiaires, à savoir les représentants des syndicats représentatifs de la Fonction publique auxquels s’ajoutent des personnalités qualifiées.
Régis Pelissier : La création du RAFP a été marquée par plusieurs singularités. Déjà c’était la première fois qu’était créé en France, l’équivalent de ce qui est très commun dans d’autres pays, à savoir un fonds de pension. Il s’agit donc d’un régime par capitalisation en points qui participe notamment, par le biais de ses investissements, au financement de l’économie française. Il a pour autre particularité d’être obligatoire. Enfin, il se différencie par son mode de fonctionnement. Le régime est géré par un établissement public, l’Établissement de Retraite additionnelle de la Fonction publique (ERAFP), dont les décisions sont contrôlées par l’État, et qui délègue la gestion administrative à la Caisse des Dépôts (CDC), sous l’autorité et le contrôle de son conseil d’administration. Cette logique permet d’avoir des frais de gestion maîtrisés et de piloter ceux-ci dans la durée. Les retraites du RAFP sont versées en même temps que celle des régimes de base, ce qui est plus simple pour les bénéficiaires.
Quel est l’état de santé du régime ? Est-il armé pour faire face aux aléas présents et futurs ?
RP : Les actifs accumulés au 31 décembre 2023 se montent à 43,3 milliards d’euros. Par ailleurs, deux données sont importantes pour bien appréhender la situation du régime. D’abord le taux de couverture économique, qui se situe à 127,8% des engagements ce qui nous assure une marge de sécurité par rapport aux droits acquis par les bénéficiaires, le ratio prudentiel est ainsi solide. Ensuite, le taux de rendement interne annualisé qui lui se situe depuis la création du régime en moyenne à 4,2%. Les indicateurs sont donc au vert.
VL : Ces bons résultats sont largement liés à la diversification des placements du RAFP qui a progressé tout au long des 15 dernières années. Ils nous ont permis d’absorber l’année 2022 qui a été compliquée sur les marchés financiers et de revaloriser les pensions à un niveau supérieur à l’inflation. Le projet constant du conseil d’administration est d’assurer une revalorisation au moins sur l’inflation et nous avons pu l’atteindre en nous appuyant sur la solidité du régime qui est, avec la performance, notre objectif principal.
RP : Du côté des cotisations, le régime continue de monter en puissance et bénéficie encore de plus d’entrées que de sorties, puisqu’il reçoit environ 2 milliards par an à investir pour un montant de prestations versées à hauteur de 432 millions d’euros en 2023, la moitié en rente et la moitié en capital. En deçà d’un certain nombre de points acquis, les agents perçoivent en effet un capital unique au moment de la liquidation de leur pension. Les sorties en rente progressent année après année, puisque davantage d’agents ont désormais cotisé suffisamment pour en bénéficier. Nous comptons actuellement plus de 530 000 bénéficiaires d’une rente viagère.
Vous parvenez à obtenir des résultats financiers performants tout en ayant fait le choix structurant de réaliser l’intégralité de vos investissements en ISR : quel est le secret ?
VL : L’investissement socialement responsable est en effet un marqueur fort du régime qui, dès l’origine, a mis en place une politique volontariste et ambitieuse en la matière. Nous avons fait partie des pionniers en matière d’ISR et œuvrons chaque année pour progresser et améliorer notre démarche au regard de l’évolution des connaissances. Par exemple, en septembre 2023, une décision forte a été prise par le conseil d’administration concernant la politique d’investissement dans les hydrocarbures et le charbon. C’est l’aboutissement d’un processus de discussion très riche qui a trouvé une voie de passage nous permettant à la fois de programmer un rythme de sortie des énergies fossiles tout en conservant notre présence dans certaines entreprises démontrant leur engagement dans le développement d’énergies renouvelables afin de les encourager dans cette voie. Nous assumons aussi de ne pas avoir pris de décisions qui auraient pu conduire à léser les affiliés en réduisant trop hâtivement les investissements du régime dans ce secteur au détriment de la performance financière du portefeuille. C’est aussi cela le principe de responsabilité : l’ERAFP a une responsabilité fiduciaire à l’égard de ses bénéficiaires qui exige de concilier court terme et long terme. Ce nouveau cadre d’investissement vient compléter la politique climat que le conseil d’administration a mise en place en 2020.
RP : Le choix historique du régime en matière d’ISR a été d’opter pour une politique dite best in class à savoir de sélectionner les entreprises qui ont les meilleures pratiques dans leur domaine. Notre guide est notre charte ISR, adoptée dès la création du régime et régulièrement mise à jour. Dans toutes les décisions d’investissement, nous travaillons dans l’intérêt de ceux qui œuvrent à l’intérêt général, c’est notre boussole.
VL : C’est pourquoi il y a également eu une volonté d’investir dans le logement intermédiaire pour les agents publics. Il est en effet important que ces derniers puissent vivre près de leurs lieux de travail, ce qui n’est malheureusement pas toujours facile dans plusieurs zones dites de forte tension telles que l’Ile de France ou la région PACA. Le conseil d’administration a donc pris la décision en 2014 de s’engager dans le financement de projets immobiliers de logements destinés en priorité aux agents publics. Ce type d’investissement reflète bien ce principe d’un juste retour des cotisations pour les bénéficiaires du régime.
RP : Un des atouts de l’ERAFP en matière d’investissement est de fait la diversification. Nous investissons aussi bien dans les grandes entreprises du CAC 40 que dans les TPE/PME ou encore dans l’immobilier, en actions ou en obligations. C’est cette diversification qui nous permet de faire face aux contrecoups des marchés. Nous effectuons également des placements dans l’innovation, par exemple dans des projets portés par l’État comme l’initiative « Tibi » mobilisant des investisseurs institutionnels pour soutenir les entreprises de la technologie, ou dans les infrastructures en énergies renouvelables.
Quels sont les enjeux à moyen et long terme pour le régime ? Quels projets vous mobilisent plus particulièrement ?
RP : Le régime a des enjeux opérationnels lui permettant d’assurer sa performance et sa solidité. Cela nous amène par exemple à la nécessité de cartographier les risques, prendre leur juste mesure, avoir des process solides, contrôler la sécurité. A cet égard, l’année 2026 va être une année importante car c’est justement l’année où sera rediscutée la convention de gestion qui nous lie avec la CDC, moment important de la vie de l’établissement et du régime. Nous avons un objectif de gain d’efficience, d’autant que le régime continue de croître. L’augmentation de l’actif ne doit pas conduire à une augmentation des dépenses en proportion, et nous devons donc identifier les gains possibles. Nous projetons la maturité du régime, c’est-à-dire le moment où les agents ayant cotisé toute leur carrière au RAFP partiront en retraite, à 2045 ou 2050. Nous devons être prêt pour cette échéance.
VL : D’autres enjeux se font jour qui auront notamment une incidence sur notre politique d’investissement. C’est par exemple le cas du sujet de la biodiversité. Ce dernier, nouveau pour la plupart des acteurs, est en construction chez nous. Nous nous en sommes emparés en constatant que la préservation de la biodiversité est aussi dans l’intérêt des investisseurs. Beaucoup d’acteurs économiques dépendent pour leur production d’écosystèmes naturels, par conséquent leur dégradation altère la valeur des actifs. Nous allons donc procéder comme pour le climat et élaborer une politique sur cette thématique. Et ceci toujours dans le seul unique objectif de pérenniser ces retraites qui constituent et constitueront de plus en plus un complément significatif pour la retraite des fonctionnaires.
Régis Pelissier
Crédit Photo : Service Communication ERAFP
Vincent Lidsky
Crédit Photo : Service Communication ERAFP