Un cahier pour que les investisseurs s’emparent de la mission d’entreprise
Le Forum pour l’investissement responsable (FIR) a présenté lors d’un évènement organisé le 23 janvier dernier à l’École des Mines le fruit du travail du groupe « Entreprise à mission et ISR », proposé par Préfon et animé par Lionel Brun, directeur délégué en charge des affaires institutionnelles de l’Association. Fiabilisation de l’impact social ou environnemental positif des entreprises et des investisseurs qui se le donnent pour objectif, recomposition de la chaîne d’investissement, revenons sur les principaux enseignements de cette démarche exploratoire, entre recherche académique et pratiques des acteurs de l’investissement.
11 mars 2023
Intitulé « La société à mission – Quelles opportunités pour les investisseurs à impact », le cahier du FIR a été élaboré entre les différentes parties prenantes qui composent le Forum : investisseurs, gestionnaires, organismes de recherche, personnalités qualifiées, société civile. Le lien a aussi été fait avec la Communauté des entreprises à mission, la co-présidente du groupe de travail « Sociétés à mission cotées » Geneviève Ferone-Creuzet étant intervenue lors de la présentation du cahier.
Son principal objectif était d’explorer les dimensions de la mission d’entreprise pouvant avoir un intérêt pour les acteurs de l’investissement, y compris pour des souscripteurs comme Préfon. Il analyse ainsi la capacité de la mission d’entreprise à faire évoluer les pratiques, outils et modèles de l’investissement et, en miroir, évalue les risques et opportunités d’une mission pour un investisseur à impact.
Modifié par la loi Pacte en 2019, le Code civil reconnaît qu’une entreprise est porteuse d’un intérêt social, au-delà de « l’intérêt commun des associés » (article 1833). Les sociétés qui en sont la traduction juridique se doivent de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux inhérents à leur activité. Elles peuvent à cette fin formuler dans leurs statuts ce que l’entreprise apporte à la société et à l’environnement : c’est la « raison d’être ». Le Code du commerce permet quant à lui qu’une société ayant défini une raison d’être de mettre son activité au service d’une mission sociale ou environnementale et d’en faire une « qualité » opposable, inscrite dans le registre du commerce, sans en faire pour autant une nouvelle structure juridique. L’objectif affiché est de concilier la recherche de la performance économique avec la contribution à l’intérêt général.
Aux termes de la loi, une fois la mission inscrite dans les statuts de la société, l’entreprise s’engage à mener à bien son exécution et à l’ouvrir au contrôle d’un comité de mission et à un tiers indépendant accrédité. La gouvernance contrôlée des objectifs sociaux et environnementaux qui est ainsi mise en place dans le cadre de la mission d’entreprise peut permettre de réduire le différentiel entre l’impact projeté par un investisseur et l’impact effectivement réalisé. C’est en ce sens que la mission recèle un potentiel de fiabilisation de l’impact social et environnemental positif.
Le rapport explore ensuite le potentiel d’assurance que peut donner un investisseur à mission sur la qualité de l’impact. La société de gestion ou l’investisseur final est conduit dans un dispositif de gouvernance contrôlée comparable à celui d’autres sociétés à mission à remanier le processus d’investissement, là aussi pour crédibiliser son impact positif. La vérification de la fiabilité et de la pertinence des indicateurs par le comité de mission donne aussi, vis-à-vis de tiers, une assurance sur l’intentionnalité de l’investisseur à impact.
Enfin, le rapport propose une lecture renouvelée de la chaîne d’investissement, où la mission présente un potentiel de coordination de l’écosystème financier, y compris face au foisonnement de normes de gestion. Les articulations nouvelles entre souscripteurs, entreprises, investisseurs, société civile peuvent favoriser un dialogue et en conséquence de nouvelles formes d’allocation du capital, plus patientes. La règlementation s’imposant en toute hypothèse, il s’agit pour l’investisseur à mission de conserver des voies d’engagement propres en limitant la « normalisation » de sa gouvernance. Pour maintenir un espace d’innovation suffisant dans l’écosystème à mission, la défense de la mission d’entreprise devra être au cœur des relations entre investisseurs socialement responsables et à impact, ainsi qu’avec les entreprises souhaitant se doter d’objectifs sociaux et environnementaux.